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TRIBUNE LISANGA

 

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LES ELECTIONS APPORTENT-ELLE LA MORT ET LA DESOLATION EN AFRIQUE ?

La volonté du peuple doit être le fondement de l’autorité du pouvoir public dans un Etat. Cette volonté s’exprime par voie d’élections honnêtes périodiquement organisées. Tel est l’un des principes de base du système démocratique considéré généralement comme celui qui répond le mieux aux aspirations légitimes des peuples. Il s’observe en pratique que les dirigeants s’activent à assoir l’exercice du pouvoir de l’Etat sur leur propre volonté. Il va sans dire que cette dérive a pour conséquence de provoquer des frustrations qui, progressivement, engendrent des tensions sociales pouvant déboucher sur des violences cycliques. Contrairement à ce postulat monsieur Alphonse Muambi, écrivain congolais naturalisé hollandais, soutient que « Les élections apportent la mort et la désolation en Afrique ». Cette position il l’a exprimée au cours d’un débat tenu à Bruxelles le 28 septembre dernier.  Pour lui, l’Afrique a tort de recourir à la démocratie à l’occidental alors que la démocratie africaine continue de faire ses preuves dans nos villages. Aussi innocente qu’elle peut paraître, cette position comporte le risque de faire passer dans l’opinion l’idée que la démocratie se définit différemment selon que l’on se trouve en Europe, en Afrique ou ailleurs. En cette période préélectorale, cette position comporte le danger de conforter ceux qui, pour des raisons d’intérêt personnel, s’emploient à contourner le processus électoral en cours en RD Congo. Mais plutôt que de s’attarder sur la question de forme concernant l’existence ou non du modèle démocratique africain, il importe d’aborder les problèmes de fond en répondant aux questions suivantes : A quelle démocratie aspirent les africains ? A quoi est du l’échec démocratique en Afrique ? Comment peut-on relever le défi ?

A quelle démocratie aspirent les africains ?

Défini comme le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple, la démocratie se résume mieux à travers les principes qui la fondent : la liberté, l’égalité devant la loi, la règle de la majorité, l’existence d’une constitution, la séparation des pouvoirs, le pluralisme politique, la consultation du peuple par voie électorale, l’indépendance de la justice…De cette définition et des principes qui en découlent on peut soutenir que la démocratie est le système politique qui favorise une large participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. C’est le système politique qui répond le mieux aux attentes des peuples en termes de justice politique, économique, sociale et culturelle. Qu’attend le citoyen congolais de l’Etat ? L application de la  justice dans tous les secteurs de la vie publique. En matière de gestion des affaires publiques en particulier, il n’y aucun doute que le citoyen congolais déplore depuis des décennies l’impunité qui entretient le détournement du pouvoir et des ressources publiques à des fins privées par les  dirigeants. La justice qu’il appelle de tous ses vœux constitue le principe de base en démocratie. A bien regarder,  l’idéal démocratique se traduit en fait par le respect des droits et libertés fondamentales que toutes les nations du monde considèrent comme nécessaires pour l’épanouissement de l’homme et le développement social. Qui peut soutenir sérieusement que l’Afrique possède un modèle propre des droits de l’homme différent de celui de l’Occident ? Nul doute que personne. Privé de ses droits les plus élémentaires, réprimé lorsqu’il dénonce les abus du pouvoir, le congolais réclame remarquablement le changement qui passe prioritairement par le changement du pouvoir en place qui est responsable de sa misère actuelle. Les élections sont donc perçues par ce congolais là comme le moyen le plus approprié pour se désigner des nouveaux dirigeants en commençant par le président de la république. Seules les manœuvres frauduleuses du pouvoir et l’opacité entretenue par la CENI pourront exacerber les frustrations déjà accumulées pour provoquer la mort et la désolation que redoute Alphonse Muambi.

A quoi est du l’échec démocratique en Afrique ?

Mises à part les particularités de chaque société liées à son histoire du reste, les organisations étatiques ont ceci en commun que la classe dirigeante tend toujours à détourner le pouvoir et les ressources au service des intérêts privés. On l’a vu en Europe sous l’empire de la monarchie, en Europe de l’est sous l’empire soviétique. Aujourd’hui encore cela se remarque partout au monde et l’Afrique et la RDC n’échappent à la règle. Mais à la différence des Etats d’Europe où le système démocratique est plus ou moins effectif, les africains n’ont pas encore réussi à rendre effectif le contrôle et la sanction du pouvoir. L’absence des contrepoids réels laisse aux dirigeants la latitude d’user et d’abuser du pouvoir à leur grès. Comme les faits le démontrent, le pouvoir exécutif dirigé par le président Joseph Kabila dispose d’énormes prérogatives dans tous les secteurs de compétence de l’Etat, il obtient du Parlement les lois à sa convenance, fait poursuivre par les instances judiciaires qu’il il veut pendant que celles-ci s’interdisent d’engager toute poursuite judiciaire contre les intérêts du pouvoir. La police et l’armée sont au service de la répression contre toute contestation du régime. Les pressions extérieures sont inopérantes selon que le régime jouit du soutiens des décideurs extérieurs qui, en contrepartie, reçoivent des récompenses diverses. Dans un tel contexte il est illusoire d’obtenir l’application des principes démocratiques qui exigent, on le sait, des rapports équilibrés entre non seulement des structures de l’Etat, mais aussi entre les citoyens et les dirigeants. Aussi longtemps ces rapports des forces seront largement favorables au pouvoir et que la société congolaise n’aura pas réussi à créer des véritables contrepoids au pouvoir, la démocratie ne sera jamais effective. Comme tout régime qui exerce le pouvoir par défi, le régime de Kinshasa n’est pas favorable aux élections. Les tergiversations actuelles de la CENI, la répression systématique des militants de l’opposition qui réclament la transparence électorale et l’agitation du sceptre de la violence ça et là sont autant d’illustrations de l’attitude négative du pouvoir face aux élections de novembre prochain. Mais quand on sait que les congolais continuent d’investir de l’espoir dans ces élections en vue d’obtenir le changement du système politique décrié, la manipulation des résultats électoraux pourrait donner lieu à des réactions violentes aux conséquences imprévisibles. Est-il fondé dès lors de conclure que les élections apportent la mort et la désolation ?  La réponse est non, seuls les détournements du pouvoir public pour des intérêts privés et les tensions sociales qu’ils provoquent sont la cause des violences électorales ou autres.

Comment peut-on relever le défi ?

Le défi à relever consiste à faire émerger des mécanismes de contrôle et de sanction contre les tenants du pouvoir. De la même manière que d’autres peuples ont réussi à relevé ce même défi, les congolais devront faire de même. Des véritables contrepoids au pouvoir devront être l’émanation de la société civile. Et c’est là tout le défi. Confronté aux problèmes de son époque dans une France monarchique, Montesquieu inspiré sans doute par Aristote, Platon et Locke disait qu’il n’y a que le pouvoir qui peut arrêter le pouvoir. Prenant en compte ce principe, à présent que nous avons une constitution qui consacre la séparation des trois pouvoirs de l’Etat, nous serions amenés à nous demander mais pourquoi la démocratie n’est pas effective en RD Congo ? Au Congo comme ailleurs où elle est d’application, la séparation des pouvoirs à elle seule ne suffit pas pour limiter l’arbitraire du pouvoir. Car elle peut en réalité cacher un système de concentration des pouvoirs comme c’est le cas en RD Congo. La séparation des pouvoirs ne peut avoir d’effet que s’il existe dans la société civile des corps pouvant influencer les rapports entre les organes étatiques. Dans un Etat de droit ce rôle est joué par la presse et les organisations de la société civile. La presse congolaise, on doit le reconnaître, a fait du chemin depuis la fin du régime MPR. Mais son indépendance est précarisée par les méthodes du pouvoir au point de la pousser à s’autocensurer par crainte de représailles. Les organisations de la société civile, particulièrement les activistes des droits de l’homme, donnent le meilleur d’eux-mêmes en dénonçant les abus du pouvoir à travers communiqués et rapports. Mais il faudra encore plus pour que la société civile congolaise devienne un contrepoids du pouvoir. Vu l’ampleur du défi à relever, il nous faudra un dynamique globale des droits de l’homme impliquant les masses dans les actions à entreprendre. Par rapport au processus électoral en cours, il est temps que les enseignants, travailleurs et fonctionnaires, s’impliquent dans l’action pour la transparence du processus électoral afin d’exiger le respect de leurs droits en tant qu’électeurs. A ce jour ce combat est laissé à la seule opposition politique au risque de faire accréditer l’idée que ce problème n’implique que les acteurs politiques. Pour ce qui est des magistrats, outre les revendications salariales, il est souhaitable que ces derniers initient des actions pour dénoncer l’immixtion du politique dans le fonctionnement de la justice. De toute évidence, l’avènement de l’Etat de droit au Congo ne sera pas un cadeau venant de Dieu ou de quelque personne que ce soit. Il sera le résultat des efforts conjugués sans cesse renouvelés. De l’interaction entre gouvernants et gouvernés donnant lieu à des rapports justes et équitables entre les différentes composantes de la société congolaise. A cet effet, la société civile congolaise a un défi à relever : s’ériger en véritable contrepoids à l’égard du pouvoir public de manière à rendre effectif le contrôle et la sanction à son encontre. La démocratie au Congo est à ce prix.

Me Honoré Musoko
Président de la Fondation Justice – Plus
Alphen NB/ Pays Bas
Tél +31 (0) 640214041   e-mail :honomusk@gmail.com

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